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Et ensuite ? Les futurs du COVID-19, expliqués par des simulations interactives 🔬 Plongez au coeur du problème ! 30 min de jeu/lecture :
Et ensuite ?
Les futurs du COVID-19, expliqués par des simulations interactives
🕐 30 min de jeu/lecture  ·  par Marcel Salathé (épidemiologiste) & Nicky Case (art/code)

« La seule chose dont il faille avoir peur est la peur elle-même » - Franklin D. Roosevelt. Conseil douteux.

Bien sûr, on nous rappelle à raison de ne pas se ruer sur le papier toilette. Mais si les responsables politiques craignent la peur et le désordre, ils minimiseront aussi les véritables dangers pour éviter toute panique générale. La peur n'est pas un problème. Le problème, c'est la manière dont nous canalisons cette peur. La peur nous donne l'énergie pour faire face aux dangers de l'instant, et nous prépare aux dangers futurs.

Pour être honnête, nous (Marcel - épidémiologiste et Nicky - art/code) sommes inquiets. Tu l'es aussi n'est-ce pas ? C'est pourquoi de nos peurs sont nées ces simulations interactives, pour que vous puissiez à votre tour canaliser vos peurs et comprendre :

Ce guide (publié le 1er Mai 2020. clique sur cette note !→1) est là pour vous donner espoir, et vous faire peur. Pour vaincre le COVID-19 en préservant aussi nos santés mentales et financières, nous devons faire preuve d'optimisme pour élaborer des plans, et de pessimisme pour élaborer des plans B. Comme l'a dit un jour Gladys Bronwyn Stern, « L'optimiste invente l'avion, le pessimiste invente le parachute. »

Alors attachez vos ceintures : nous entrons dans une zone de turbulences.

Ces derniers mois

Les pilotes utilisent des simulateurs de vol pour apprendre comment ne pas crasher des avions.

Les épidémiologistes utilisent des simulateurs d'épidémie pour apprendre comment ne pas crasher l'humanité.

Créons notre propre « simulateur de vol épidémique » (très, très simplifié) ! Dans cette simulation, les individus Infectieux peuvent transformer les individus Susceptibles de contracter la maladie en encore plus d'individus Infectieux  :

On estime qu'au début de l'épidémie de COVID-19, le virus allait d'un à un tous les 4 jours, en moyenne.2 (pour rappel, il y a beaucoup de variations)

Que se passe-t-il si nous simulons le cas « double tous les 4 jours », et rien de plus, sur une population qui commence avec seulement 0,001% de  ?

Cliquez sur « Lancer » pour réaliser une simulation ! Vous pouvez relancer avec d'autres paramètres quand la simulation est finie : (limites techniques : 3)

Ceci est la courbe de croissance exponentielle. Ça commence petit, puis ça explose. De « Oh c'est juste une grippe » à « Ah oui, les grippes n'engendrent pas de fosses communes dans New-York ».

Pour autant, cette simulation est fausse. La croissance exponentielle, heureusement, ne peut pas durer. Si une partie de la population a déjà le virus, cela empêche sa diffusion :

Plus il y a de , plus les deviennent des rapidement, mais moins il y a de , plus les deviennent des lentement.

En quoi cela change la croissance d'une épidémie ? Il n'y a qu'à le simuler :

Ceci est la courbe de croissance logistique « en S ». Ça commence doucement, ça explose, puis ça ralentit à nouveau.

Pour autant, cette simulation est encore fausse. On passe à côté du fait qu'un individu Infectieux fini par arrêter d'être infectieux, soit en étant : 1) guéri, 2) « guéri » avec des lésions pulmonaires 3) décédé.

Pour faire simple, supposons que tout les individus Infectieux deviennent guéris (Recovered en anglais) . (Mais gardez en tête que la réalité est bien plus dure.) Les ne peuvent plus être infectés, et supposons – pour l'instant ! – qu'ils sont immunisés à vie.

Pour le COVID-19, on estime qu'un individu est Infectieux pendant 10 jours, en moyenne.4 Certains guérissent en moins de 10 jours, d'autres en plus. Voilà ce que ça donne, avec une simulation qui commence avec 100% de  :

Ceci est l'inverse de la croissance exponentielle, c'est la courbe de décroissance exponentielle.

Maintenant, que se passe-t-il lorsqu'on simule la courbe de croissance logistique avec les guérisons ?

Voyons donc ça !

La courbe Rouge représente les cas actuels,
La courbe Grise représente le total de cas (actuels + guéris ). En commencant avec seulement 0,001% de  :

Et c'est de là que nous vient cette fameuse courbe ! Ce n'est pas une courbe de Gauss, ni même une courbe « log-normale ». Ça n'a pas de nom, mais vous l'avez vue des millions de fois et vous priez pour qu'elle s'aplatisse.

C'est le Modèle SIR, 5
(Susceptible Infectieux Recovered (guéri en anglais))
le deuxième concept clé de notre initiation à l'épidémiologie :

NB : Les simulations qui conseillent les décideurs politiques sont bien, bien plus sophistiquées que ça ! Néanmoins le modèle SIR suffit pour trouver un résultat global similaire, même si certaines nuances lui échappent.

Ajoutons donc une autre nuance : avant qu'un ne devienne un , il doit d'abord être Exposé . Cela correspond au moment où l'individu possède le virus mais ne peut pas encore le transmettre – infecté mais pas encore infectieux.

(Cette variante est appellée le Modèle SEIR6, avec « E » pour « Exposé » . Notez que ça ne correspond pas au sens du mot « exposé » de tous les jours : quand il est possible d'avoir ou non le virus. La définition technique d'« Exposé » signifie bel et bien porteur du virus. La terminologie en science est pleine d'absurdités.)

Pour le COVID-19, on estime qu'un individu est infecté-mais-pas-encore-infectieux pendant 3 jours, en moyenne.7 Que se passe-t-il lorsqu'on ajoute cela à la simulation ?

La courbe Rouge + Rose représente les cas actuels (infectieux + exposés ),
La courbe Grise représente le total de cas (actuels + guéris ) :

Pas beaucoup de changement ! Le temps que l'on passe en Exposé  change le ratio de -pour-, et la date du pic de cas... mais la hauteur du pic, et le nombre total de cas à la fin restent les mêmes.

Mais pourquoi ? À cause du premier concept clé de l'épidémiologie :

La version courte du « Nombre de reproduction ». Il s'agit du nombre moyen de personnes qu'un infecte avant qu'il ne guérisse (ou décède).

R évolue au cours d'une vague, au fur et à mesure que l'immunité et les mesures d'intervention se développent.

R0 est la valeur de R au début de la vague, avant l'immunité et les mesures d'intervention. R0 reflète la force du virus-même, mais il varie quand même d'un endroit à l'autre. Par exemple, R0 est plus grand dans les villes densément peuplées que dans les campagnes.

(La plupart des articles d'actualité - et même des publications scientifiques ! - confondent R et R0. Encore une fois, la terminologie scientifique est pleine d'absurdités)

Le R0 pour « la » grippe saisonnière tourne autour de 1,288. Cela signifie qu'au début d'une vague de grippe, chaque infecte 1,28 personnes en moyenne. (Si ça paraît étrange de ne pas avoir un nombre entier, souvenez-vous que la maman moyenne a 2,4 enfants. Cela ne veut pas dire qu'il y a des demi-enfants gambadant un peu partout.)

Le R0 pour le COVID-19 est estimé à environ 2,29, bien qu'une étude pas encore finalisée estime qu'il était de 5,7(!) à Wuhan.10

Dans nos simulations - au début et en moyenne - un infecte quelqu'un tous les 4 jours et ce pendant 10 jours. Il y 2,5 fois « 4 jours » dans « 10 jours ». Cela signifie -au début et en moyenne - que chaque infecte 2,5 Susceptibles . Par conséquent, R0 = 2,5. (limites techniques :11)

Jouez avec ce calculateur de R0 pour voir comment R0 dépend du temps de guérison et de la fréquence de nouvelle infection :

Mais souvenez-vous, moins il y a de , plus les deviennent lentement. Le nombre de reproduction actuel (R) dépend non-seulement du nombre de reproduction de base (R0), mais aussi du nombre de personnes qui ne sont plus Susceptibles . (Par exemple, en guérissant et en devenant naturellement immunisées.)

Lorsque suffisament de gens sont immunisés, R < 1 et le virus est contenu ! On appelle ça l'immunité collective. Pour la grippe, l'immunité collective est obtenue par la vaccination. Essayer d'obtenir « l'immunité collective naturelle » en laissant les gens être infectés est une très mauvaise idée. (Mais pas pour la raison que vous avez peut-être en tête ! Nous l'expliquerons plus tard.)

Maintenant, lançons le modèle SEIR encore une fois, mais en montrant R0, l'évolution de R dans le temps et le seuil de l'immunité collective :

Attention : le total des cas ne s'arrête pas au seuil de l'immunité collective, mais le dépasse ! Et il passe le seuil exactement au moment où le nombre actuel de cas est au maximum. (C'est ainsi quels que soient les réglages - essayez vous-même !)

Cela est dû au fait que lorsqu'il y a plus de non- que le seuil d'immunité collective, on obtient R < 1. Et lorsque R < 1, le nombre de nouveaux cas cesse d'augmenter : c'est un pic.

Si vous ne deviez retenir qu'une seule chose de ce guide, ce serait ceci - c'est un graphique très complexe, alors prenez le temps de l'assimiler complètement :

Cela signifie qu'il n'y a PAS besoin d'infecter tout le monde, ou même presque tout le monde, pour stopper le COVID-19 !

C'est paradoxal. Le COVID-19 est extrêmement contagieux et pourtant, pour le contenir, il faut « seulement » éviter plus de 60% des infections. 60% ?! Si c'était une note d'école, ce serait un 12/20. Mais si R0 = 2,5, alors le réduire de 61% nous donne R = 0,975, ce qui est R < 1, donc le virus est contenu ! (formule exacte :12)

(Si vous pensez que R0 ou d'autres paramètres dans nos simulations sont trop haut/bas, c'est bien, vous défiez nos hypothèses ! Il y aura un mode « bac à sable » à la fin de ce guide, où vous pourrez entrer vos propres paramètres et voir ce que ça donne.)

Toutes les mesures contre le COVID-19 dont vous avez entendu parler - lavage des mains, distance sociale, confinements, auto-isolation, traçage des contacts et mise en quarantaine, port du masque et même « immunité collective » - elles ont toutes le même but :

Obtenir R < 1.

Maintenant, utilisons notre « simulateur de vol épidémiologique » pour répondre à la question suivante : Comment peut-on obtenir R < 1 tout en protégeant notre santé mentale et financière ?

Préparez-vous à un atterrissage d'urgence...

Les mois à venir

... auraient pu être pires. Voici un univers parallèle que l'on a évité :

Scénario 0 : On ne fait absolument rien

Environ 1 personne atteinte du COVID-19 sur 20 a besoin de soins intensifs.13 Dans un pays développé comme les États-Unis, il y a une place en soins intensifs pour 3400 personnes.14 Dès lors, pour 3400 personnes atteintes en même temps, les États-Unis peuvent en gérer 20 - soit 0,6% de la population.

Même si cette capacité était plus que triplée pour atteindre 2%, voici ce qui se serait passé si on n'avait absolument rien fait :

Pas bon.

C'est ce que Le rapport du 16 mars de l'Imperial College London décrit : si on ne fait rien, on sature les soins intensifs, avec plus de 80% de la population tombant malade. (Souvenez-vous : le nombre total de cas dépasse le seuil d'immunité collective)

Même si seulement 0,5% des personnes infectées meurent - une estimation optimiste lorsqu'il n'y a plus de place en soins intensifs - dans un grand pays comme les États-Unis avec 300 millions d'habitants, 0,5% de 80% de 300 millions = tout de même 1,2 millions de décès... SI on ne fait rien.)

(Beaucoup de médias et de réseaux sociaux annonçaient « 80% des gens vont être infectés » sans préciser « SI l'on ne fait rien ». La peur a été transformée en clics, pas en compréhension. Soupir.)

Scénario 1 : Aplatir la courbe / Immunité collective

La stratégie « Aplatir la courbe » a été promue par tous les organismes de santé publique, pendant que le plan de base « d'immunité collective » du Royaume Uni était universellement décrié. Ces deux plans ont le même objectif. Le Royaume Uni a juste mal communiqué le sien.15

Cependant, les deux plans avaient des failles fatales (littéralement).

D'abord, voyons les deux principales manières « d'aplatir la courbe »: le lavage des mains et la distanciation sociale.

Intensifier le lavage des mains réduit les grippes et les rhumes, dans les pays riches, d'environ 25%16, tandis que le confinement généralisé à Londres a réduit les contacts rapprochés d'environ 70%17. Supposons alors que le lavage des mains peut réduire R jusqu'à 25% et que la distanciation sociale peut réduire R jusqu'à 70% :

Jouez avec ce calculateur pour voir comment le pourcentage de non-, le lavage des mains et la distanciation sociale réduisent R : (ce calculateur visualise leurs effets relatifs, c'est pourquoi lorsqu'un l'un d'eux est augmenté, les autres semblent diminuer.18)

Maintenant, simulons ce qu'il serait arrivé à une épidémie de COVID-19 si, début mars, nous avions augmenté le lavage des mains mais seulement avec une distanciation sociale légère - de sorte que R est plus bas, mais toujours au dessus de 1 :

Trois observations :

  1. Le nombre total de cas baisse ! Même si on n'arrive pas à R < 1, réduire R sauve quand même des vies en réduisant le dépassement au dessus du seuil d'immunité collective. Beaucoup de gens s'imaginent « qu'aplatir la courbe » étale les cas sans toutefois réduire leur nombre total. C'est impossible dans n'importe lequel des modèles de base de l'épidémiologie. Mais parce que les médias d'actualité présentaient l'affirmation « 80% seront infectés » comme inévitable, les gens ont pensé que le nombre total de cas serait le même quoi qu'on fasse. Soupir.

  2. Grâce aux mesures supplémentaires, le nombre de cas actuels atteint un pic avant que l'immunité collective ne soit atteinte. En fait, dans cette simulation, le nombre total de cas passe un tout petit peu au dessus du seuil d'immunité collective - le plan du Royaume Uni ! À ce moment, R < 1, on peut abandonner toutes les autres mesures d'intervention et le COVID-19 reste contenu ! Eh bien, il y a quand même un problème...

  3. On sature les unités de soins intensifs. Pour plusieurs mois. (et souvenez-vous, on a pourtant déjà triplé la capacité pour ces simulations)

C'était l'autre conclusion du rapport du 16 mars de l'Imperial College de Londres, qui a convaincu le Royaume Uni d'abandonner sa stratégie de base. Toute tentative d'atténuation (réduire R, mais R > 1) échouera. Le seul échappatoire est l'endiguement (réduire R afin d'atteindre R < 1).

Il ne faut donc pas simplement « aplatir » la courbe, il faut l'écraser. Par exemple, par le biais d'un...

Scénario 2 : Confinement de plusieurs mois

Voyons ce qui arrive lorsqu'on écrase la courbe avec un confinement de 5 mois, qu'on réduit à presque rien, et que finalement, - finalement - on retrouve une vie normale :

Oh.

Voici la « seconde vague » dont tout le monde parle. Aussitôt le confinement levé, on repasse à R > 1. Un seul (ou un importé) peut provoquer un sursaut aussi grave que si nous avions suivi le Scénario 0 : « On ne fait absolument rien ».

Un confinement n'est pas un remède, c'est juste un nouveau départ.

Alors quoi, on se confine encore et toujours ?

Scénario 3 : Confinement intermittent

Cette solution a été suggérée en premier par le rapport du 16 mars de l'Imperial College London et plus tard dans un article de Harvard.19

Voici une simulation : (Après avoir lancé le scénario « pré-enregistré », vous pourrez essayer de simuler votre propre plan de confinement, en déplaçant les curseurs pendant la simulation ! Vous pouvez aussi mettre en pause et reprendre la simulation, ainsi que changer sa vitesse)

Cela pourrait maintenir le nombre de cas en dessous de la capacité des soins intensifs ! Et c'est beaucoup mieux qu'un confinement de 18 mois en attendant qu'un vaccin soit disponible. Il faut juste... tout fermer pendant quelques mois, rouvrir pendant quelques mois et répéter jusqu'à ce qu'un vaccin arrive. (Et s'il n'y a pas de vaccin, répéter jusqu'à ce que l'immunité collective soit atteinte... en 2022.)

Enfin bon, c'est bien joli de dessiner une ligne disant « capacité des soins intensifs », mais il y a beaucoup de choses importantes qu'on ne peut pas simuler ici. Comme :

La santé mentale : La solitude est un des facteurs de dépression, d'anxiété et de suicide les plus importants. On estime qu'elle est aussi dangereuse que de fumer 15 cigarettes par jour.20

Santé financière : « Et l'économie alors ? » sonne comme si vous vous préoccupiez plus de l'argent que de vies à sauver, mais « l'économie » n'est pas seulement des actions en bourse : c'est la capacité des personnes à fournir toit et nourriture à leurs proches, à investir dans le futur de leurs enfants, à jouir de l'art, de la bonne nourriture, des jeux vidéos - les trucs qui font que la vie vaut la peine d'être vécue. Par ailleurs, la pauvreté elle-même a un impact désastreux sur la santé mentale et physique.

Nous ne sommes pas en train de dire qu'on ne devrait pas se confiner à nouveau ! Nous verrons les confinements « disjoncteurs » plus tard. Mais ce n'est pas l'idéal.

Mais attendez... Taïwan et la Corée du Sud n'ont-elles pas déjà contenu le COVID-19 ? Et cela pendant 4 mois, sans long confinement ?

Comment ?

Scénario 4 : Tester, Tracer, Isoler

« Bien sûr, nous *aurions pu* faire comme Taïwan et la Corée du Sud ont fait au départ, mais c'est désormais trop tard. On a loupé le départ. »

Mais c'est justement ça ! « Un confinement n'est pas un remède, c'est juste un nouveau départ »… et c'est d'un nouveau départ dont nous avons besoin.

Pour comprendre comment Taïwan et la Corée du Sud ont contenu le COVID-19, nous devons comprendre le déroulement précis d'une infection typique au COVID-1921 :

Si les cas s'isolent seulement quand ils savent qu'ils sont malades (c'est-à-dire quand ils ressentent des symptômes), le virus peut encore se répandre :

En réalité, 44% des transmissions ont lieu en phase pré-symptomatique ! 22

Mais si nous trouvons et mettons en quarantaine les contacts récents d'un cas symptomatique… nous arrêtons la propagation, en ayant toujours un coup d'avance !

C'est ce qu'on appelle le traçage des contacts. C'est une vieille idée, elle a été utilisée à une échelle sans précédent pour contenir Ebola23, et maintenant elle est une partie centrale de comment Taïwan et la Corée du Sud contiennent le Covdi-19 !

(Il nous permet aussi d'utiliser nos tests en nombre limité plus efficacement, pour trouver les s pré-symptomatiques sans avoir besoin de tester tout le monde.)

Traditionnellement, les contacts sont trouvés grâce à des entretiens, mais à eux seuls, ils sont trop lents pour la fenêtre d'environ 48 heures du COVID-19. C'est pourquoi les traceurs de contacts ont besoin d'aide, et sont aidés par — PAS remplacés par — des applis de traçage de contacts.

(Cette idée n'est pas venus des « techos » : utiliser une appli pour combattre le COVID-19 a été proposé en premier par une équipe d'épidémiologistes d'Oxford.)

Attendez, des applis qui tracent avec qui vous avez été en contact ?… Est-ce que ça veut dire abandonner toute confidentialité, céder à Big Brother ?

Sûrement pas ! DP-3T, une équipe d'épidémiologistes et de cryptographes (y compris l'un de nous, Marcel Salathé) est déjà en train de créer une appli de traçage de contacts — dont le code est publique — qui ne révèle aucune info à propos de votre identité, position, qui sont vos contacts ou même avec combien de personnes vous avez été en contact.

Voici comment ça marche :

(et voici la BD entière)

Avec d'autres équipes similaires comme TCN Protocol24 et MIT PACT25, ils ont inspiré Apple et Google à intégrer un traçage de contacts respectueux de la vie privée dans Android/iOS.26 (Vous ne faites pas confiance à Google/Apple ? Bien ! La beauté de ce système est qu'il n'a pas besoin de confiance !) Bientôt, votre agence de santé publique locale pourrait vous demander de télécharger une appli. Si elle est respectueuse de la vie privée et avec un code publique, je vous en prie, faites-le !

Mais qu'en est-il des gens sans smartphones ? Ou des infections par les poignées de portes ? Ou des cas « vraiment » asymptomatiques ? Les applis de traçage de contacts ne peuvent pas détecter toutes les transmissions… et ce n'est pas un problème ! On n'a pas besoin de détecter toutes les transmissions, seulement 60% pour avoir R < 1.

(Diatribe à propos du mélange entre pré-symptomatique et « vrai » asymptomatique. Les « vrais » asymptomatiques sont rares :27)

Isoler les cas symptomatiques réduirait R jusqu'à 40% et mettre en quarantaine leurs contact pré/a-symptomatiques réduirait R jusqu'à 50%28 :

Ainsi, même sans mettre en quarantaine 100% des contacts, on peut obtenir R < 1 sans confinement ! Bien mieux pour notre santé mentale et financière. (Quant aux coûts pour les personnes qui doivent s'isoler ou se mettre en quarantaine, les gouvernements devraient les soutenir — payer pour les tests, la protection de l'emploi, subventionner les congés maladie, etc. C'est toujours bien moins cher que du confinement intermittent.)

On garde alors R < 1 jusqu'à ce qu'on ait un vaccin, qui transforme les Susceptibles en immunisés . L'immunité collective, de la bonne manière :

(Note : ce calculateur considère que les vaccins sont efficaces à 100%. Rappelez-vous qu'en réalité, il faudrait compenser en vaccinant plus que « l'immunité collective », pour vraiment obtenir l'immunité collective)

OK, assez parlé. Voici une simulation pour :

  1. Un confinement de quelques mois, jusqu'à ce qu'on puisse…
  2. Passer à « Tester, Traçer, Isoler » jusqu'à ce qu'on puisse…
  3. Vacciner assez de gens, ce qui veut dire que…
  4. On a gagné !

Et c'est tout ! Voilà comment faire un atterrissage d'urgence avec cet avion.

Voilà comment battre le COVID-19.

Mais si les choses se passent quand même mal ? Les choses se sont déjà horriblement mal passées. C'est de la peur, et c'est bien ! La peur nous donne l'énergie de créer des plans de secours.

Le pessimiste invente le parachute.

Scénario 4+ : Masques pour tous, été, « Disjoncteur »

Et si R0 était bien plus grand que ce que l'on pense, et que les actions précédentes, même aidées d'une légère distanciation, n'étaient toujours pas suffisantes pour rendre R < 1 ?

Souvenez-vous, même si on ne peut rendre R < 1, minimiser R permet quand même de réduire le « débordement » du total de cas, donc de sauver des vies. Pour autant, R < 1 reste l'idéal, et voici d'autres moyens pour le réduire :

Masques pour tous :

« Attendez, » vous nous demanderez, « Je pensais que les masques n'empêchaient pas de tomber malade ? »

Et vous avez raison. Les masques n'empêchent pas de tomber malade29... ils vous empêchent de faire tomber malade les autres.

Pour donner un chiffre : les masques chirugicaux portés par la personne infectieuse réduisent de 70% ses projections de particules virales.30 Réduire les transmissions de 70% aurait un impact aussi important qu'un confinement !

Cependant, on ne connait pas encore précisément l'impact des masques sur le COVID-19 en particulier. En science, on ne devrait publier un résultat que si l'on en est (statistiquement) sûr à 95%. (...devrait.31) L'usage de masques, au 1er mai 2020, n'est pas « sûr à 95% ».

Seulement, les pandémies c'est comme le poker. Ne pariez que lorsque vous êtes sûr à 95%, et vous perdrez tout ce qui est en jeu. Comme le note dans un récent article du British Medical Journal,32 dans un contexte d'incertitude il est nécessaire d'appliquer des analyses coûts-avantages. Par exemple :

Coûts : Pour des masques en tissu faits maison (qui ont environ deux tiers de l'efficacité d'un masque chirurgical33), presque rien. Pour des masques chirurgicaux, un peu plus cher mais encore peu coûteux.

Bénéfices : Même s'il y avait 50% de chances que les masques chirurgicaux réduisent la transmission de 70%, cela donnerait en moyenne 35%, autant qu'un demi-confinement ! Estimons donc que les masques réduisent R jusqu'à 35%. (Encore une fois, vous pouvez changer nos hypothèses en ajustant les curseurs)

(autres arguments pour/contre le port du masque :34)

Les masques seuls ne vont pas rendre R < 1. Mais si le lavage des mains et la méthode « Tester, tracer, isoler » ne nous amène qu'à R = 1,10, avoir ne serait-ce que deux tiers de la population portant des masques en tissu permettra d'atteindre R < 1, et le virus sera contenu !

Eté:

D'accord, ce n'est pas une « intervention » que nous pouvons contrôler, mais ça va aider ! Certains médias rapportent que l'été n'aura pas d'impact sur le COVID-19. Ils ont à moitié raison : l'été ne va pas rendre R < 1, mais il va réduire R.

Pour le COVID-19, chaque degré Celsius supplémentaire (1,8° Fahrenheit) fait diminuer R de 1,2%.35 La différence été-hiver à Paris est de 15°C (60°F), donc l'été devrait faire diminuer R de 18%.

L'été seul ne va pas rendre R < 1, mais en cas de resources limitées, permettra de réduire certaines interventions en été – afin de pouvoir les intensifier en hiver.

Un confinement « disjoncteur »:

Et si tout cela ne permet toujours pas d'atteindre R < 1... nous pouvons nous confiner à nouveau.

Mais nous n'aurions pas à alterner 2 mois confinés/1 mois ouvert encore et encore ! R ayant diminué, nous n'aurions qu'à réaliser ce confinement « disjoncteur » une ou deux fois avant que le vaccin ne soit disponible. (Singapour a procédé ainsi récemment, « même » s'ils avaient réussi à contrôler le virus pendant 4 mois. Ce n'est pas un échec : c'est ce qu'il faut pour réussir.)

Voici une simulation d'un scénario « pas trop d'effort »:

  1. Confinement, puis
  2. Un niveau correct d'hygiène + « Tester, tracer, isoler » + un soupçon de « Masques pour tous », et...
  3. Un dernier confinement « disjoncteur » avant que le vaccin ne soit trouvé.

Sans parler de toutes les autres actions qui peuvent être mises en place pour minimiser R encore plus :

. . .

Nous espérons que ces plans vous donnent espoir.

Même dans les cas les plus défavorables, il est possible de vaincre le COVID-19 tout en protégeant notre santé mentale et financière. Utiliser le confinement comme un « bouton de remise à zéro », garder R < 1 avec isolation des cas + traçage des contacts respectueux de la vie privée + masques au moins en tissus pour tous... et la vie peut reprendre son cours !

Bien sûr, vous aurez sans doute les mains sèches. Mais vous pourrez inviter votre crush à boire un verre ! Vous pourrez dilapider vos économies dans les derniers film hollywoodiens avec vos amis. Vous pourrez espionner les gens à la bibliothèque, vous réjouissant de les voir s'adonner à la simple activité d'être en vie.

Même dans les pires scénarios... la vie continue.

Donc maintenant, faisons des plans pour quelques scénarios catastrophes. Amérissage, attrapez votre gilet de sauvetage et suivez les lumières vers les sorties de secours :

Les années à venir

Vous attrapez le COVID-19 et en guérissez. Ou vous recevez un vaccin. Dans les deux cas, vous êtes maintenant immunisé·e...

...mais pour combien de temps ?

Mais pour le COVID-19 chez les humains, au 1er mai 2020, « Pour combien de temps » est encore une grande inconnue.

Pour ces simulations, disons que c'est un an. Voici une simulation commençant avec 100% de , décroissant exponentiellement vers les Susceptibles et non-immunisés, après un an en moyenne, avec des variations :

Le retour du déclin exponentiel !

Il s'agit du Modèle SEIRS. Le dernier « S » signifie Susceptible , encore une fois.

Maintenant, simulons une vague de COVID-19 sur 10 ans, sans intervention... si l'immunité ne dure qu'un an :

Dans les simulations précédentes, nous avions seulement un pic dépassant la capacité en respirateurs. Maintenant, nous en avons plusieurs, et les cas atteignent un équilibre permanent égale à la capacité en respirateurs. (Que nous avons triplé pour ces simulations, souvenez-vous)

R = 1, c'est une endémie.

Heureusement, comme l'été réduit R, la situation va s'améliorer :

Oh.

contre toute attente, l'été rend les pics plus sévères et plus réguliers ! C'est parce que l'été réduit les nouveaux , mais en même temps réduit aussi les nouveaux immunisés . Ce qui veut dire que l'immunité chute durant l'été, causant des pics prononcés et réguliers en hiver.

Heureusement, la solution à ce problème est simple - vacciner les gens chaque automne/hiver, à la manière de ce que l'on fait avec le vaccin de la grippe.

(Après avoir lancé l'enregistrement, essayez de simuler vos propres campagnes de vaccination ! Souvenez-vous que vous pouvez mettre en pause et continuer la simulation n'importe quand)

Mais voici venue la question qui fait peur :

Et s'il n'y a pas de vaccin avant plusieurs années ? Voire jamais ?

Pour être clair : c'est improbable. La plupart des épidémiologistes s'attendent à un vaccin d'ici un ou deux ans. Alors oui, il n'y a jamais eu de vaccin pour aucun des autres coronavirus dans le passé, mais c'est parce que le SARS a été rapidement éradiqué et que « le » rhume n'en valait pas la peine.

Mais quand même, des chercheurs des maladies infectieuses ont exprimé des inquiétudes : Et si on ne pouvait en fabriquer assez ?40 Et si il arrivait bâclé et qu'il n'était pas sûr ?41

Même dans le scénario catastrophe « sans vaccin », nous avons 3 échappatoires. Du plus au moins terrible :

1) Intervenir temporairement ou modérément pour garantir R < 1 dans le but d'atteindre « l'immunité collective naturelle ». (Attention : cela va provoquer de nombreuses morts et séquelles pulmonaires. Et ça ne fonctionne pas si l'immunité ne dure pas.)

2) Intevenir de manière permanente pour maintenir R < 1. Le traçage des contacts et le port du masque deviennent alors la nouvelle norme du monde post-COVID-19, tout comme les tests de MST et le port du préservatif sont devenus la nouvelle norme dans le monde post-VIH.

3) Intervenir pour maintenir R < 1 jusqu'à ce que soient développés des traitements qui rendent le COVID-19 bien, bien moins susceptibles de requérir des soins critiques. (Ce qu'on devrait faire de toute façon !) Diviser le besoin de respirateur par 10 est équivalent à multiplier la capacité en respirateurs par 10 :

Voici une simulation sans immunité durable, sans vaccin et sans même aucune intervention - seule la capacité à survivre aux longs pics augmente lentement :

Même dans le pire des pires scénarios... La vie continue.

. . .

Vous voudrez peut-être remettre en question nos hypothèses et essayer différents paramètres. Vous pouvez aussi simuler vos propres combinaisons de plans d'intervention !

Voici un mode (optionel) « bac à sable », où tout est disponible. (Fais défiler pour voir tous les contrôles.) Simule et joue autant que le coeur t'en dit :

Ce « simulateur de vol épidémiologique » nous a tant appris. Il nous a permis de répondre à des questions sur les derniers mois, sur ceux à venir et sur les prochaines années.

Finalement, retournons à...

Maintenant

L'avion a coulé. Nous nous sommes précipités sur des canots de sauvetages. C'est le moment de trouver la terre ferme.42

Des équipes d'épidémiologistes et de décideurs (de gauche, de droite, et multi-partisanes) sont arrivées à un consensus sur la manière de battre le COVID-19, tout en protégeant nos vies et nos libertés.

Voilà grossièrement l'idée, avec quelques plans de rechange (moins consensuels) :

Qu'est ce que ça veut dire pour vous maintenant ?

Pour tout le monde : Respectez le confinement pour qu'on puisse sortir de la Phase I aussi vite que possible. Lavez-vous les mains. Fabriquez vos propres masques. Téléchargez une application de traçage des contacts respectueuse de votre vie privée lorsqu'elles seront disponibles le mois prochain. Restez en forme, physiquement et mentalement ! Et écrivez à votre décideur local de bouger ses fesses et...

Pour les décideurs : Faites des lois qui supportent ceux qui doivent se mettre en auto-isolement/quarantaine. Engagez plus d'agents de traçage manuel des contacts, supportés* par des applications de traçage des contacts qui respectent la vie privée. Dirigez plus de fonds vers les trucs qu'on devrait fabriquer, comme...

Pour les fabriquants : Fabriquez des tests. Fabriquez des respirateurs. Fabriquez des équipements de protection individuelle pour les hôpitaux. Fabriquez des tests. Fabriquez des masques. Fabriquez des applications. Fabriquez des antiviraux, des prophylactiques et autres traitements qui ne sont pas des vaccins. Fabriquez des vaccins. Fabriquez des tests. Fabriquez des tests. Fabriquez de l'espoir.

Ne minimisez pas la peur pour fabriquer de l'espoir. Notre peur devrait faire équipe avec notre espoir, comme les inventeurs de l'avions et du parachute. C'est en se préparant à des futurs épouvantables qu'on crée un futur plein d'espérance.

La seule chose à craindre est l'idée que la seule chose dont il faille avoir peur est la peur elle-même.


  1. Ces notes contiendront des sources, des liens et des commentaires bonus comme celui-ci ! 

    Ce guide a été publié le 1er Mai 2020 et sa traduction en français le TBD Mai 2020. De nombreux détails deviendront obsolètes, mais nous sommes convaincus que ce guide couvre 95% des futurs possibles, et que notre initiation à l'épidémiologie vous sera bien utile.

  2. « The mean [serial] interval was 3.96 days (95% CI 3.53–4.39 days). » Du Z, Xu X, Wu Y, Wang L, Cowling BJ, Ancel Meyers L Traduction : « L'intervalle [sériel] moyen était de 3,96 jours (IC 95% : 3,53–4,39 jours) ». (Attention : les pré-publications ne sont pas considérées comme des versions finales) 

  3. Rappel : toutes ses simulations sont très simplificatrices, à des fins éducatives. 

    Une simplification : Quand la simulation est parametrée pour « Infecter 1 nouvelle personne tous les X jours », elle va en réalité augmenter le nombre d'infectés d'1/X chaque jour. De même pour les prochains paramètres dans ces simulations : « Guérir tous les X jours » est simulé en « réduit le nombre d'infectés d'1/X chaque jour ».

    Ce n'est pas exactement la même chose, mais c'est assez proche de la réalité, et plus compréhensible que de paramétrer les taux de transmission/guérison directement.

  4. « The median communicable period [...] was 9.5 days. » Hu, Z., Song, C., Xu, C. et al Traduction : « La période de contagiosité médiane [...] était de 9,5 jours. ». Oui, nous savons qu'une « médiane » n'est pas la même chose qu'une « moyenne ». C'est suffisamment proche pour notre explication simplifiée. 

  5. Pour plus d'explications techniques sur le modèle SIR, voir the Institute for Disease Modeling et Wikipedia 

  6. Pour plus d'explications techniques sur le modèle SEIR, voir the Institute for Disease Modeling et Wikipedia 

  7. « Assuming an incubation period distribution of mean 5.2 days from a separate study of early COVID-19 cases, we inferred that infectiousness started from 2.3 days (95% CI, 0.8–3.0 days) before symptom onset » He, X., Lau, E.H.Y., Wu, P. et al. Traduction : « En supposant que la période d'incubation est en moyenne de 5,2 jours en s'appuyant sur une autre étude des premiers cas de COVID-19, nous en déduisons que la contagiosité commence au bout de 2,3 jours (IC 95% : 0,8–3,0 jours) avant l'apparition des symptômes ». (explication : En supposant que les symptômes commencent au 5ème jour, sachant que le caractère infectieux commence 2 jours avant, on devient infectieux au bout de 3 jours) 

  8. « The median R value for seasonal influenza was 1.28 (IQR: 1.19–1.37) » Biggerstaff, M., Cauchemez, S., Reed, C. et al. Traduction : « La valeur médiane de R pour l'influenza saisonnière était de 1,28 (IC : 1,19-1,37) » 

  9. « We estimated the basic reproduction number R0 of 2019-nCoV to be around 2.2 (90% high density interval: 1.4–3.8) » Riou J, Althaus CL. Traduction : « Nous avons estimé le nombre de reproduction de base R0 de 2019-nCoV à environ 2,2 (IC 90%: 1,4-3,8) » 

  10. « we calculated a median R0 value of 5.7 (95% CI 3.8–8.9) » Sanche S, Lin YT, Xu C, Romero-Severson E, Hengartner N, Ke R. Traduction : « Nous avons calculé une valeur médiane de R0 de 5,7 (IC 95% : 3,8-8,9) » 

  11. Cela suppose qu'on est infectieux de manière constante tout au long de la « période infectieuse ». Encore une fois, c'est une simplification pour aider à la compréhension. 

  12. Gardez en tête que R = R0 * le taux des transmissions encore possibles. Souvenez-vous aussi que le taux des transmissions possibles = 1 - le taux des transmissions empêchées

    Donc, pour obtenir R < 1, on a besoin d'avoir R0 * TransmissionsPermises < 1.

    Donc, TransmissionsPermises < 1/R0

    Donc, 1 - TransmissionsEmpêchées < 1/R0

    Donc, TransmissionsEmpêchées > 1 - 1/R0

    Par conséquent, il faut empêcher plus de 1 - 1/R0 des transmissions pour obtenir R < 1 et contenir le virus !

  13. « Percentage of COVID-19 cases in the United States from February 12 to March 16, 2020 that required intensive care unit (ICU) admission, by age group ».Traduction : « Pourcentage de cas de COVID-19 aux États-Unis du 12 février au 26 mars 2020 nécéssitant une admission en unité de soins intesifs, par groupe d'âge ». Entre 4,9% et 11,5% de tous les cas de COVID-19 ont eu besoin de soins intensifs. En choisissant généreusement l'estimation basse, cela nous fait 5%, soit 1 sur 20. Notez que cette proportion est propre à la pyramide des âges de ce pays. Elle sera plus haute dans les pays avec une population âgée et plus basse dans les pays avec une population jeune. 

  14. « Number of ICU beds = 96,596 ». De the Society of Critical Care Medicine. Tradution : « Nombre de lits en unité de soins intensifs = 96'596 » La population des États-Unis était de 328'200'000 en 2019. 96'596 sur 328'200'000 environ 1 sur 3400. 

  15. « He says that the actual goal is the same as that of other countries: flatten the curve by staggering the onset of infections. As a consequence, the nation may achieve herd immunity; it’s a side effect, not an aim. [...] The government’s actual coronavirus action plan, available online, doesn’t mention herd immunity at all. » 

    Tiré de The Atlantic article by Ed Yong Traduction : « Il dit que l'objectif est en fait le même que les autres pays : aplatir la courbe en étalant le départ des infections. Par conséquent, le pays pourrait atteindre l'immunité collective; c'est un effet secondaire, pas un but en soi. [...] En fait, le plan d'action du gouvernement contre le coronavirus, disponible en ligne, ne mentionne pas du tout l'immunité collective. »

  16. « All eight eligible studies reported that handwashing lowered risks of respiratory infection, with risk reductions ranging from 6% to 44% [pooled value 24% (95% CI 6–40%)]. » Rabie, T. and Curtis, V. Traduction : « Les huit études valables ont rapporté que le lavage des mains réduisait le risque d'infections respiratoires, avec une réduction des risques allant de 6% à 44% [valeur moyenne 24% (IC 95% : 6-40%)]. » Note : Par simplicité, la valeur a été arrondie à 25% dans les simulations. On notera que, comme le pointe cette méta-analyse, la qualité des études sur le lavage des main (du moins dans les pays riches) est exécrable. 

  17. « We found a 73% reduction in the average daily number of contacts observed per participant. This would be sufficient to reduce R0 from a value from 2.6 before the lockdown to 0.62 (0.37 - 0.89) during the lockdown ». Jarvis and Zandvoort et al Traduction : « Nous avons trouvé une réduction de 73% du nombre de contacts journaliers observés par participant. Cela serait suffisant pour réduire R0 de 2,6 avant le confinement à 0,62 (IC 0,37 - 0,89) pendant le confinement ». Pour faire simple, le taux a été arrondi à 70% dans les simulations. 

  18. Cette distortion disparaîtrait si R était représenté dans une échelle logarithmique... Mais dans ce cas il faudrait aussi expliquer le concept d'échelle logarithmique. 

  19. « Absent other interventions, a key metric for the success of social distancing is whether critical care capacities are exceeded. To avoid this, prolonged or intermittent social distancing may be necessary into 2022. » Kissler and Tedijanto et al Traduction : « Sans autres interventions, un indicateur clé du succès de la distanciation sociale est si oui ou non les soins intensifs sont saturés. Pour éviter cela, une distanciation sociale prolongée ou intermittente pourrait être nécessaire jusqu'en 2022. » 

  20. Voir la Figure 6 de Holt-Lunstad & Smith 2010. Bien sûr, grosse mise en garde : ils ont trouvé une corrélation. Mais à moins que vous ne vouliez imposer aléatoirement à des gens d'être solitaires pour toute leur vie, des indices observationnels sont tout ce que vous pourrez avoir. 

  21. 3 days on average to infectiousness : « Assuming an incubation period distribution of mean 5.2 days from a separate study of early COVID-19 cases, we inferred that infectiousness started from 2.3 days (95% CI, 0.8–3.0 days) before symptom onset » (translation: Assuming symptoms start at 5 days, infectiousness starts 2 days before = Infectiousness starts at 3 days) He, X., Lau, E.H.Y., Wu, P. et al. Traduction : 3 jours en moyenne jusqu'à l'infectiosité : « En supposant que la période d'incubation est en moyenne de 5,2 jours en s'appuyant sur une autre étude des premiers cas de COVID-19, nous en déduisons que la contagiosité commence au bout de 2,3 jours (IC 95% : 0,8–3,0 jours) avant l'apparition des symptômes » (explication : En supposant que les symptômes commencent au 5ème jour, sachant que le caractère infectieux commence 2 jours avant, on devient infectieux au bout de 3 jours)
    4 days on average to infecting someone else: « The mean [serial] interval was 3.96 days (95% CI 3.53–4.39 days) » Du Z, Xu X, Wu Y, Wang L, Cowling BJ, Ancel Meyers L Traduction : 4 jours en moyenne pour infecter quelqu'un d'autre : « L'intervalle [sériel] moyen était de 3,96 jours (IC 95% : 3,53–4,39 jours) »
    5 days on average to feeling symptoms: « The median incubation period was estimated to be 5.1 days (95% CI, 4.5 to 5.8 days) » Lauer SA, Grantz KH, Bi Q, et al Traduction : 5 jours en moyenne pour ressentir des symptômes : « La période d'incubation médiane a été estimée à 5,1 jours (IC 95%, 4,5 à 5,8 jours) » 

  22. « We estimated that 44% (95% confidence interval, 25–69%) of secondary cases were infected during the index cases’ presymptomatic stage » He, X., Lau, E.H.Y., Wu, P. et al Traduction : « Nous avons estimé que 44% (IC 95%, 25–69%) des cas secondaires avaient été infectés pendant l'étape présymptomatique des cas index » 

  23. “Contact tracing was a critical intervention in Liberia and represented one of the largest contact tracing efforts during an epidemic in history.” Swanson KC, Altare C, Wesseh CS, et al. Traduction : « Le traçage des contacts a été une intervention critique au Liberia et a représenté un des plus grands efforts de traçage de contacts de l'Histoire. » 

  24. Temporary Contact Numbers, un protocole de traçage de contact décentralisé, respectueux de la vie privée 

  25. PACT: Private Automated Contact Tracing 

  26. Apple et Google collaborent sur une technologies de traçage de contact pour le COVID-19. Notez qu'ils ne font pas les applis eux-mêmes, ils créent juste les systèmes qui vont permettre ces applis. 

  27. Beaucoup de journaux — et franchement, beaucoup d'articles de recherche — n'ont pas fait la distinction entre « les cas qui ne montrent pas de symptômes quand on les a testés » (pré-symptomatique) et « les cas qui n'ont jamais montré de symptômes » (vrai asymptomatique). La seule manière de faire la différence est de suivre les cas par la suite. 

    C'est ce que cette étude a fait. (Attention : « Les pré-publications ne sont pas considérées des versions finales. ») Dans un centre d'appel en Corée du Sud touché par l'épidémie de COVID-19, « seulement 4 (1,9%) sont restés asymptomatiques pendant 14 jours de quarantaine et aucun de leurs contacts domestiques n'ont eu d'infections secondaires. »

    Ça veut donc dire que les « vrais asymptomatiques » sont rares et qu'attraper la maladie d'un vrai asymptomatique pourrait être encore plus rare !

  28. De la même étude d'Oxford qui a recommandé en premier de combattre le COVID-19 avec des applis : Luca Ferretti & Chris Wymant et al Regardez la Figure 2. En présumant que R0 = 2,0, ils ont trouvé que :

    • Les symptomatiques contribuent R = 0,8 (40%)
    • Les pré-symptomatiques contribuent R = 0,9 (45%)
    • Les asymptomatiques contribuent R = 0,1 (5%, quoique leur modèle a de l'incertitude et cela pourrait être bien plus bas)
    • Les trucs environnementaux comme les poignées de porte contribuent R = 0,2 (10%)
    Et ajoutez les contacts pré- et a-symptomatiques (45% et 5%) et vous obtenez 50% de R ! 

  29. « None of these surgical masks exhibited adequate filter performance and facial fit characteristics to be considered respiratory protection devices. » Tara Oberg & Lisa M. Brosseau Traduction : « Aucun des masques chirurgicaux n'a présenté des performances de filtrage et des caractéristiques d'ajustement facial suffisantes pour être considéré comme un dispositif de protection respiratoire. » 

  30. « The overall 3.4 fold reduction [70% reduction] in aerosol copy numbers we observed combined with a nearly complete elimination of large droplet spray demonstrated by Johnson et al. suggests that surgical masks worn by infected persons could have a clinically significant impact on transmission. » Milton DK, Fabian MP, Cowling BJ, Grantham ML, McDevitt JJ Traduction : « La réduction globale de 3,4 fois (70% de réduction) du nombre de particules en suspension dans l'air que nous avons observées, combinée à l'élimination quasi totale des projections des grosses goutelettes démontrée par Johnson et al. suggère que le port du masque par les personnes infectées pourrait avoir un impact cliniquement significatif sur la transmission. » 

  31. Tout véritable scientifique qui lit cette dernière phrase est probalement plié de rire. Voir : p-hacking, crise de la reproductibilité

  32. « It is time to apply the precautionary principle » Trisha Greenhalgh et al [PDF] Traduction : « Il est temps d'appliquer le principe de précaution. » 

  33. Davies, A., Thompson, K., Giri, K., Kafatos, G., Walker, J., & Bennett, A Voir Table 1 : un T-shirt en coton a environ deux tiers de l'efficacité de filtration d'un masque chirurgical, pour les deux aérosols bactériens qu'ils ont testés. 

  34. « Nous devons garder les provisions pour les hôpitaux. » Absolument d'accord. Mais c'est plus un argument en faveur de l'augmentation de la production, pas du rationnement. En attendant, nous pouvons faire des masques en tissu. 

    « C'est difficile de les porter correctement. » C'est aussi difficile de se laver les mains en respectant les indications de l'OMS - vraiment, « Etape 5) les dos des doigts en les tenant dans la paume des mains opposées »?! – bien sûr nous recommandons quand même le lavage des mains, l'imperfection vaut mieux que rien du tout.

    « Cela va rendre les gens imprudents pour le lavage des mains et la distanciation sociale. » Bien sûr, et les ceintures de sécurité font que les gens ignorent les panneaux stop, et les fils dentaires font que les gens mangent des pierres. Plus sérieusement, nous dirions le contraire : les masques sont un rappel visuel constant à la prudence – et en Asie de l'Est, les masques sont aussi un symbole de solidarité!

  35. « One-degree Celsius increase in temperature [...] lower[s] R by 0.0225 » and « The average R-value of these 100 cities is 1.83 ». 0.0225 ÷ 1.83 = ~1.2%. Wang, Jingyuan and Tang, Ke and Feng, Kai and Lv, Weifeng Traduction : « Une augmentation de température d'un degré Celsius [...] diminue R de 0,0225 » et « La valeur moyenne de R dans ces 100 villes est de 1,83. » 0,0225 ÷ 1,83 = ~1,2%. 

  36. « SARS-specific antibodies were maintained for an average of 2 years [...] Thus, SARS patients might be susceptible to reinfection ≥3 years after initial exposure. » Wu LP, Wang NC, Chang YH, et al. Traduction : « Les anticorps spécifiques au SARS sont maintenus en moyenne 2 ans [...] En conséquence, les patients du SARS pourraient être susceptibles d'être réinfectés ≥3 ans après l'exposition initiale. » Malheureusement, on ne saura jamais combien de temps l'immunité au SARS dure réellement, puisqu'il a été éradiqué très rapidement. 

  37. « We found no significant difference between the probability of testing positive at least once and the probability of a recurrence for the beta-coronaviruses HKU1 and OC43 at 34 weeks after enrollment/first infection. » Marta Galanti & Jeffrey Shaman (PDF) Traduction : « Nous n'avons trouvé aucune différence significative entre la probabilité d'être testé positif au moins une fois et la probabilité d'une récurrence des beta-corronavirus HKU1 et OC43 34 semaines après l'exposition/la première infection. » 

  38. « Once a person fights off a virus, viral particles tend to linger for some time. These cannot cause infections, but they can trigger a positive test. » from STAT News by Andrew Joseph Traduction : « Une fois qu'une personne combat un virus, des particules virales tendent à subsister quelques temps. Celles-ci ne peuvent causer une infection, mais peuvent provoquer un test positif. » 

  39. De Bao et al. Attention : Cet article est une pré-publication et n'a pas (encore) été vérifiée par une relecture par les pairs. Aussi, pour le souligner : ils ont seulement testé la ré-infection 28 jours plus tard. 

  40. « If a coronavirus vaccine arrives, can the world make enough? » by Roxanne Khamsi, on Nature Traduction : « Si un vaccin de coronavirus arrive, le monde peut-il en produire assez ? » 

  41. « Don’t rush to deploy COVID-19 vaccines and drugs without sufficient safety guarantees » by Shibo Jiang, on Nature Traduction : « Ne bâclez pas le deployement de médicaments et de vaccins du COVID-19 sans garanties de sécurité suffisantes » 

  42. La métaphore de la terre ferme de Marc Lipsitch & Yonatan Grad, sur STAT News 

(Cliquez pour montrer les notes)

Notes :

Lavez-vous les mains ! 👏